Dans le métro, je suis tombé sur une affiche annonçant le concert événement L’age d’or du Rap Français. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m’a fait sourire. Enfin si je sais. D’ailleurs, il y a quelques mois de cela, je voulais déjà écrire un sujet là dessus lors de la première édition qui s’est tenue cette année au Casino de Paris. L’occasion est donc trop belle pour réparer cet oubli.
[dropcap size=big]V[/dropcap]ous l’aurez compris, ce concert réunit la (désormais en pré retraite) crème de la crème d’une lointaine époque souvent qualifiée de dorée : le rap français du début des années 90. Période durant laquelle bon nombre de rappeurs ont su entre autre bénéficier de la loi Toubon. Une loi mise en place par le ministre de la francophonie en 1993 imposant aux radios un quota de chansons françaises. Certaines stations FM ciblant un public jeune, prirent le risque de saisir le wagon du rap français. Ceci permettant à une ribambelle d’artistes une exposition médiatique non négligeable et des ventes de disques inespérées à renforts de Skyroulette et de Planète Rap. Plus de 20 ans plus tard, alors que le trône est disputé entre plusieurs artistes tels que Jul, Gims, PNL ou Booba, un ordre ancien semble surgir du passé. Telle la rébellion aux prises avec l’Empire galactique, nombreux rappeurs (et auditeurs) optent pour une résistance visant à entretenir la flamme d’une ère et d’une vision inexorablement dépassée par les événements.
L’effet est étrange, voire perturbant. Le Rap, cette musique (de) jeune(s) reléguée à la case nostalgie… Après Age tendre et tête de bois réunissant des vedettes des années 60/70, les tournées hexagonales ayant pour têtes d’affiches des vedettes de années 80, le rap n’échappe donc pas à cette vague et fait de l’oeil aux amateurs de « c’était quand mieux avant, ma petite dame! ». En checkant la programmation, on y aperçoit des noms comme Menelik, Busta Flex, Tonton David, Stomy Bugsy, Passi, Assassin, Ärsenik, X Men, Rocca… Des artistes ayant marqué leur époque dont certains sont encore en activité. Mais ayons l’honnêteté de rappeler que pas mal d’entre eux sortent d’une sacrée traversée du désert.
Et puis soyons juste. L’initiative est tout de même louable. Remplir Bercy L’Accor Arena Hotel (et les Zenith de province) n’est pas une mince affaire. Le public sera t’il au rendez vous? Sera t’il exclusivement composé de quadra? Ces derniers entraineront ils avec eux leurs rejetons afin de leur faire découvrir le “Rap à papa”? Trop tôt pour le dire. Chose certaine, cette tournée remettra certains artistes en selle. Pour le meilleur et parfois pour le pire, soyons francs. Cette tournée occasionnera certainement par la suite un album live, un coffret dvd et pour enfoncer le clou, une retransmission sur une chaîne câblée.
Parce que oui, la nostalgie rapporte. La peur de vieillir tout autant. Le comeback scénique de Doc Gyneco l’a rappelé d’une certaine manière en remplissant le Zenith il y a quelques semaines et ce, après plusieurs années de silence. Les organisateurs tout comme les artistes de cette tournée auraient tort de ne pas surfer sur cette tendance. Money is money, my friend! Quand au public, soucieux de revivre ce frisson ressenti lors d’anciens concerts mémorables, s’offre avec ce type d’événement, une mini cure de jouvence à moindre frais en jumpant la larme à l’oeil et la tête dans les nuages. Oui, je sais, ça colle un peu le cafard, tout de même.
Il serait évidemment malhonnête de remettre en cause l’aspect glorieux du rap francophone des 90’s. Cette période a été charnière et a ouvert la voix à de nombreux artistes actuels. Période sujette à collaborations et expériences de toutes sortes. Bonnes ou mauvaises, là n’est pas le sujet. Mais sans vouloir me faire l’avocat du diable, cette notion “d’Age d’Or” reste subjective et générationnelle à mes yeux. Exemple : partant du principe que de nombreux artistes participant aujourd’hui à ce projet n’évoquent finalement pas grand chose à de nombreux kids qui ne jurent (pour grossir le trait) que par Nekfeu, PNL ou MHD. Ce qui nous a marqué plus jeune, ne les touche pas forcément et vice versa. L’histoire reste l’histoire et elle a son importance, bien sûr. Mais le passé, le présent et le futur ont encore beaucoup à nous offrir en terme de sonorités, de visions, d’approches et aussi de malentendus, c’est ce qui rend un genre musical fascinant et vivant, non? Bref, vaste débat…
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