Chaque vendredi, vivez au rythme de la série exclusive WANKR ! A chaque chapitre, suivez les aventures d’André Williams, simple comptable qui se retrouve plongé au cœur d’une machination politico-industrio-écologique à l’échelle planétaire. Cette semaine, épisode 2 !
2.
8:22 AM.
C’est ce qu’indiquaient les led rouges du radio-réveil d’André lorsqu’il se réveilla avec une étrange sensation de gueule de bois. « Damn ! » s’était-il écrié. Une réminiscence de son voyage linguistique dans le Vermont, aux Etats-Unis lorsqu’il avait 18 ans. « Je suis trop à la bourre ! ». Lui qui n’avait jamais raté l’ouverture du cabinet en 15 ans !
Ah le cabinet… toute sa vie ! Il y était arrivé, directement à la sortie de son BTS comptabilité gestion, grâce à un copain de lycée dont le père possédait plusieurs offices dans Paris. Tranquillement il y avait gravi les échelons… mais pas trop. Les responsabilités ? Très peu pour lui. Il se contentait de son poste et de son train-train. Mais ce matin là, son entrain habituel était entaché par ce mal de crâne indescriptible. Pas qu’il ait abusé de ce whisky japonais dont il raffolait tant, mais il était simplement resté éveillé toute la nuit, scotché à son ordinateur à visionner des vidéos et à éplucher tout un tas de sites plus ou moins sérieux – voir illuminés – sur la santé dont il n’avait pas le moindre soupçon qu’ils pouvaient exister. Et cette nuit d’excès d’hyperliens et de vidéos youtube lui avait définitivement retourné le cerveau. Au delà de la fatigue provoquée par une nuit blanche, lui qui ne s’était jamais posé de questions sur quoi que ce soit, trouvait son monde et ses idées bien rangées complètement sens dessus dessous. Cet article sur le lait lu la veille chez le dentiste avait mis le feu aux poudres. Désormais, c’était Fukushima dans sa tête.
Tout ce qu’il avait lu cette nuit, le confirmait encore et toujours : il n’y a aujourd’hui aucune preuve scientifique sérieuse que le lait de vache est bon pour la santé, notamment ce pour quoi il est promu par le ministère de la santé, les nutritionnistes et l’industrie laitière, c’est à dire la solidité des os et la prévention de l’ostéoporose.
En creusant plus en profondeur, son esprit cartésien avait réussi à déchiffrer une partie du problème. La majorité de la population, qui ne consommait pas de lait à l’origine, avait été obligé d’en boire par les autorités après la deuxième guerre mondiale pour lutter contre la malnutrition. Des années plus tard alors que l’opulence et le plein emploi battaient leur plein et que la malnutrition n’était plus d’actualité, ce qui était devenu une industrie laitière toute puissante devait continuer d’écouler ce lait et ses dérivés dans une quête de croissance effrénée. Elle commença donc à faire pression sur les gouvernements et les institutions, en faisant du lobbying et de la propagande.
Comment faire consommer en masse du lait à des personnes qui n’en ont pas besoin ? La solution des lobbies industriels était simple : prétendre que les français souffraient de carences en protéines et en calcium. Ce qui avait été un réel prétexte après-guerre était devenu un argument de vente.
André griffonna l’adresse d’une vidéo qui était le meilleur des résumés de la situation: http://bit.ly/1JZYF6A, en se rappelant qu’il devait absolument la montrer à ses collègues.Il s’était d’ailleurs lui même rendu à l’évidence. Aucun autre animal dans la nature ne consomme le lait de son voisin. Comment le lait d’une vache qui pèse six-cent kilos et qui est destiné à nourrir un veau de deux-cent kilos peut être considéré acceptable pour la consommation de l’homme ? Tout était clair. La cause de cet empoisonnement programmé, c’était l’argent !
« Voilà le problème ! » s’était-il écrié. Et force était de constater, pour lui, le comptable, qu’il constituait invariablement le nœud du problème. Cependant le lait, n’était devenu qu’une énigme minime face à ce qui se posait devant lui comme un himalaya d’incompréhension. En effet, lors de ses échappées virtuelles nocturnes, André avait découvert sur les dits sites de santé alternatifs des faits bien plus affolants. Et c’est d’ailleurs sûrement ça qui lui valait une telle veisalgie.
Comme à chaque fois qu’il n’allait pas très bien ou se sentait désorienté, André appela sa « mamounette ». « Tu te rends compte Maman ! » lui avait-il hurlé dans le téléphone. « On nous empoisonne ! » Et il avait commencé à lui faire part de toutes les révélations qu’il avait découvert la nuit passée.
« Tu sais mon chéri, tu prêches une convertie. » l’avait coupé sa mère au bout de trois minutes. Il est vrai qu’André avait toujours connu sa mère adepte du bio. Et qu’est-ce qu’il avait pu détester ça. Rien ne l’énervait plus que de croquer dans un vers qui s’était frayé un chemin dans sa pêche. Et le dentifrice à l’argile que sa mère lui avait ramené d’Allemagne quand il avait treize ans ! Pouah. Rien que d’y repenser il en avait des sueurs froides. Ce goût indescriptible de terre salée dans sa bouche venant anéantir cette aérienne sensation de douceur sucrée que ses Miel Pops lui avait procuré dix minutes plus tôt. Epouvantable.
« Quand même maman, c’est hallucinant. Entre les pesticides, les additifs, les antibiotiques… On parle quand même de produits qui se retrouvent dans ce qu’on mange tous les jours, qui favorisent les cancers, les allergies, le diabète, l’obésité… Bon il est vrai que je n’aimerais pas revenir aux temps moyenâgeux où les charcutiers mettaient du rat haché dans leur pâté en croûte… hihihi. Mais il doit bien y a voir un juste milieu, non ? Tu trouves normal que l’on doivent sur-saler le jambon parce que la viande des porcs stressés, destructurée, ne tient plus sans une bonne dose de sel… Et que le sucre et les colorants des bonbons rendent les enfants turbulents, hyper-actifs, voir violents. Alors que l’on appelle ça des douceurs ! Pourquoi je dois avaler 17 résidus de pesticides quand je croque dans une pomme ? ». André était effondré.
« Et bien mon fils, à ton âge, il était temps que tu prennes conscience de tout ça. Ahahahaha. André, ça me rappelle qu’il faut absolument que je te présente Brianna. Une fille incroyable ! Je l’ai rencontré au cours de yoga que j’ai commencé à la rentrée. Tu pourras parler de tout ça avec elle. C’est une spécialiste ! Et puis elle est mignonne à croquer. Bon je te laisse mon cœur. Bonne semaine ! Bisous ». Clic. « Encore un coup fourré de la mère » avait pensé André en raccrochant. Effectivement, cette dernière avait le chic pour organiser des petits dîners de célibataires à son fils, pour lequel elle était désespéré. Son unique garçon vivait toujours seul… à son âge ! Un comble pour elle qui s’était marié à dix-sept ans.
« Pour le coup, c’est elle qui est à l’ouest » avait-il pensé en repensant à un article sur les ‘sexfriends’. Malheureusement pour lui, sa mère n’avait pas entièrement tort de s’inquiéter pour son bébé. C’était le désert côté cœur… comme côté sexe d’ailleurs… et ce depuis un peu trop longtemps à son goût.
Alors quand sa mère l’avait convié à venir boire un verre avec la fameuse Brianna, après un de leur cours de yoga, il se sentit le cœur d’un garçon de 15 ans. Emoustillé et curieux à la fois. Il arriva directement du cabinet, dans son costume un peu étriqué, quelque peu anxieux et envieux de faire bonne impression. Et pour la première fois, sa mère avait vu juste. Certes ses pulsions d’homme en manque lui jouait des tours. Mais pour une fois, ce n’était pas le leggings violet de la jeune femme qui avait troublé son regard. Dès qu’il lui avait serré la main, il lui avait trouvé un petit quelque chose. Et puis pour une raison qu’il n’arrivait pas à saisir, il arrivait à la faire rire à chaudes larmes. En fin de soirée, elle-même s’était accordé à dire qu’elle l’aimait bien et s’était décidé à l’inviter à dîner. Certes le petit apéro entre ami s’était transformé en débat houleux sur les bienfaits du végétarisme et André s’était retrouvé en porte-à-faux face aux deux femmes. Mais Brianna, bien décidée et un brin revancharde, était maintenant déterminée à lui faire découvrir qu’un repas végétalien pouvait être succulent et copieux; qu’un repas uniquement composé de légumes, de graines et de fruits pouvait se transformer en expérience culinaire digne d’un restaurant trois étoiles.
Lui qui ne jurait que par les barbecues estivaux gargantuesques que son ami Louis organisait dès qu’il faisait beau, tous les dimanches du printemps et de l’été. Ah le plaisir indescriptible et incomparable d’une côte de bœuf d’un kilo-cinq marinée dans une sauce dont Louis seul avait le secret, mêlant habilement miel et sauce soja -les deux seuls ingrédients qu’André avait décelé…-.
André sorti subitement de sa rêverie de viande bovine à la première bouchée de l’incroyable plat de résistance, que celle qu’il appelait désormais Bri lui avait concocté. Mais c’est au cours du dessert, une succulente tarte aux abricots d’un autre monde, qu’elle avait réellement piqué son intérêt à vif. Elle s’était lancé dans une diatribe concernant son rôle de rebelle de la société en tant que végétalienne.
« Il existe donc une rébellion, une alternative, à tout ce système ! » avait pensé André imaginant Brianna habillé et coiffée en princesse Leia, avec en arrière-plan le bruit du souffle de Darth Vader. Un mouvement prêt à en découdre dans une révolution silencieuse où chacun avait son rôle à jouer. “Un mouvement dont la force allait au-delà de toute imagination”, avait même ajouté Brianna. Nous n’étions pas obligé de dire ‘Amen’ à tout. « Nous avons donc le choix ! » s’était écrié André, plus que convaincu.
C’est à cet instant qu’elle enfonça le clou final de son discours : « Réfléchis-y bien André : tu prends ce gros repas copieux carnivore et arrosé avec tes potes un soir. Le lendemain matin, ton corps ayant travaillé toute la nuit à digérer, tu es fatigué et tu sens qu’il est nécessaire de prendre un café pour te réveiller et te donner de l’énergie. Le café, c’est un produit dangereux aussi puisque c’est comme si tu mangeais du charbon. Un produit carbonisé lors de la torréfaction auquel on ajoute tout un tas de produits pour éviter qu’il ne moisisse… qui en plus te fourni une énergie intense mais très courte et te laisse encore plus fatigué par la suite. D’où le sentiment d’avoir besoin d’en prendre encore et encore, plus tard dans la journée… Ce qui te forcera à prendre quelques cachets pour dormir la nuit suivante, vu que tu auras bu trop de café… Un cercle sans fin. Tu vois, c’est dans l’intérêt des groupes pharmaceutiques de t’empoisonner.
Notre société ne va pas t’encourager à être bien et heureux parce que dans le système actuel, une personne heureuse coûte trop d’argent et n’en dépense pas assez.
Il faut des malades accrocs ! Prends l’exemple du lait : Une campagne d’empoisonnement qui commence dès l’école primaire où l’on donne du lait aux enfants pour le goûter ! Les produits laitiers sont vos amis pour la vie !» Raaaaaaaaah ! C’en était trop pour André.
Mais Brianna reprit de plus belle : « Rendons-les malades maintenant pour qu’on puisse leur vendre des traitements plus tard. Et si t’es trop pauvre pour te payer le traitement, tu mourras plus vite et le gouvernement aura ainsi moins de retraites à payer… Surtout quand ce sont la plupart de ces grandes firmes qui financent les hôpitaux et les écoles… André ! On te vole ta liberté de choisir et de penser par la bouffe ! C’est dingue ! Et ça s’applique partout… On te mets des produits chimiques pour nettoyer ta maison, de manière saine et qui sent bon, mais ça t’asphyxie… des produits pour les cheveux pour être beau gosse qui pénètrent dans ton sang par le cuir chevelu… on te fait fumer pour que tu aies l’air cool, tout en te pourrissant les poumons et le système nerveux…. Empoisonne-toi de l’intérieur et de l’extérieur. On va t’aider ! ». Toute rouge et à bout de souffle, Brianna s’arrêta net.
André était bouleversé. Il se retrouvait une nouvelle fois désemparé et tremblant. Comme après cette fameuse nuit blanche qui l’avait déjà tant ébranlé. Pourtant tout cela sentait terriblement la théorie du complot. Se pouvait-il que Bri soit dans le vrai ? Tout ceci n’était-il vraiment qu’une gigantesque manipulation organisée ? Existait-il réellement une telle conspiration ?
Si vous avez râté l’épisode 1 : http://wankr.fr/le-createur-episode-1/
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