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Chaque semaine, vivez au rythme de la série exclusive WANKR ! A chaque chapitre, suivez les aventures d’André Williams, simple comptable qui se retrouve plongé au cœur d’une machination politico-industrio-écologique à l’échelle planétaire. Cette semaine, épisode 6 !

6.

Essoufflé, André arriva devant le tribunal alors même qu’une horde de journalistes se pressait sur les marches pour interroger l’agriculteur qu’André reconnut grâce à la photo du journal.
Il se fraya un chemin en jouant des coudes afin d’entendre ce qu’il se disait.
‘Monsieur Petit-Jean, comment prenez-vous la défection de Monsieur Uno au procès ?’
‘Comme une victoire ! Cela prouve que nous venons de gagner une bataille ! Mais la guerre sera remportée une fois le procès fini. Ne brûlons pas les étapes.’
‘Takashi Uno n’était donc pas présent ?’ s’interrogea André.
L’agriculteur reprit aussitôt d’un ton enthousiaste : ‘La découverte de nouveaux éléments hier a permis d’asséner un coup décisif.’
A sa surprise, André aperçu la commissaire Kaplan. Il en déduit qu’il était donc bien au bon endroit, à moins que ce ne soit une coïncidence…
Au même moment un groupe de manifestants armés de panneaux s’indignant contre les pratiques de Monsenti arriva en soutient du plaignant. Quelle ne fut pas la surprise d’André quand, dans la foule de gens scandant ‘Monsenti au pilori !!!’, il reconnu Brianna.
C’est à cet instant que la commissaire tapota sur l’épaule d’André. ‘Monsieur Williams ! Quelle surprise de vous retrouver ici. Je vais commencer à croire que vous êtes de mèche’ dit-elle avec un petit sourire narquois. ‘A moins que vous ne soyez venu pour manifester ?’
Trop effrayé de retourner au poste après son expérience de la veille et malgré les charmes de la commissaire, André s’empressa de bégayer ‘oui, oui, je fais parti des anti-OGM.’ Mais la remarque de la commissaire lui indiqua qu’il y avait certainement un lien entre ce procès et l’homme mort au Louvre. La curiosité étouffait André qui avait désormais du mal à respirer. Il se lança malgré le regard insistant de la commissaire qui n’aimait guère les silences qui s’éternisent : ‘C’était donc lui hier n’est-ce pas ? C’était Takashi Uno que j’ai vu mourir ?’.
‘Vous êtes perspicace monsieur Williams.’ lui rétorqua-t-elle.

‘Mais vous devriez faire attention, toute cette affaire est un terrain glissant voire miné…

A ce sujet monsieur Williams, votre groupe a une autorisation pour manifester ?’.
Avant même qu’André n’ait eu le temps de répondre, Hélène – c’était son prénom – saisit un talkie-walkie à sa ceinture et ordonna discrètement à ses collègues de disperser les manifestants.
‘Allez monsieur Williams. Vous avez entendu, il ne faut pas rester là ! Je vous souhaite une bonne journée et une bonne continuation.’
Il ne fallut pas deux minutes pour qu’un car de CRS suréquipés et dissuasifs viennent disséminer les porteurs de pancartes. Dans la cohue, André tenta de retrouver Bri, qu’il repéra en train de s’accrocher verbalement avec un des CRS. Plus rapide que l’éclair, il l’attrapa par le bras et l’emmena rapidement dans une des rues avoisinantes. Trop surprise pour pouvoir résister, elle s’exclama de la façon la plus théâtrale qui soit : ‘Toi, ici ! Cooool ! Je suis contente que tu aies répondu à l’appel de la manifestation.’
‘Heu, oui, oui… tout à fait’ balbutia André, trop content de ne pas avoir à trouver d’alibi concernant sa présence.
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‘Tu as entendu que le japonais de Monsenti était mort ?’ interrogea Bri.
‘Ha bon ?’ s’était alors faussement étonné André. En effet, la veille André s’était abstenu de révéler sa mésaventure à Bri, s’en tenant aux consignes de la commissaire : ‘Monsieur, Williams, si vous pouviez éviter d’ébruiter l’affaire, ça facilitera mon travail d’enquête.’
Encore un indice qu’André n’avait pas relevé la veille qui prouvait que ce japonais était assurément quelqu’un d’important.
‘Et tu sais quoi André ? Ils l’ont retrouvé mort au Louvre hier ! Il paraît qu’il avait avec lui des documents pour le procès.’
André était ébahi. Il n’avait rien vu de tout cela dans les journaux malgré ses recherches. ‘Mais comment tu sais tout ça toi ? ‘ s’était-il alors empressé d’enquérir.
‘J’ai entendu deux journalistes qui en parlaient au café du coin pendant qu’on préparait la manif avec des potes. Et tu connais la meilleure ? Il paraîtrait que les documents que le jap apportait au procès était à charge contre Monsenti ! C’est pas dingue ça !?!’
Effectivement… André n’avait pas d’autre mot… Brianna en avait appris plus en cinq minutes qu’André en cinq heures !
‘Mais d’ailleurs, tu devrais pas être au boulot, toi ?’ demanda Bri surprise.
‘J’ai pris un RTT, je ne me sentais pas bien’ répliqua André, un peu embarrassé.
‘Ah mais qu’est-ce que tu fais là alors ! Tu m’invites chez toi prendre un bon chocolat chaud pour se remettre de nos émotions ?’ insista Bri, assistée de son plus beau regard de biche. Comment André pouvait résister à tant de charme ?
Sur le chemin de son appartement, André était resté silencieux faisant mine d’écouter les banalités que Bri était en train de débiter à un rythme effréné. Que pouvait bien représenter ces documents ? Takashi Uno était-il repenti ? Que savait-il vraiment ? D’ailleurs, était-il vraiment mort d’un infarctus ?
Plus que jamais, des millions de questions se bousculaient dans sa tête. En effet, si les documents étaient vraiment compromettants et que le procès venait à jouer en faveur de l’agriculteur, il ferait jurisprudence sur un territoire, la France, qui était le plus gros consommateur de pesticides en Europe. Un marché de plusieurs milliards d’euros serait remis en cause par une pièce défaillante.
Une fois arrivé chez André, Brianna se mis rapidement à l’aise et commença à fouiner un peu partout, telle une gamine de huit ans dans un magasin de jouets, analysant le moindre petit bibelot sous toutes ses coutures. C’était sa première fois chez lui et elle était vraiment contente de pouvoir découvrir son univers à lui. Pendant qu’il préparait le fameux chocolat chaud, elle saisit le livre sur la numérologie qu’André avait acheté plus tôt, dans la matinée. ‘Tiens, c’est marrant ça’ s’exclama-t-elle. ‘Tu t’intéresses à la numérologie. C’est plutôt drôle pour un comptable, non ? Tu as découvert des trucs amusants ?’.
‘Nan, mais c’est un cadeau d’un collègue qui voulait me faire une blague… ahahah’ répondit André un peu gêné.
‘Mais attends, c’est drôle ce chapitre sur les 7 péchés capitaux où t’as laissé ton marque page. Tiens écoutes ça :
« Avec un peu d’imagination, on peut rattacher à chacun des derniers siècles un péché capital.
La Colère au 16ème siècle, époque des guerres de religion;
l’Orgueil au 17ème, apogée de la monarchie absolue;
la Luxure au 18ème, époque du libertinage;
l’Envie au 19ème, ère des révolutions égalitaires.
Nous pourrions également associer la Gourmandise au 20ème siècle, alors que les hommes sont moins timides à table et que l’obésité devient la norme.
Et l’Avarice à ce siècle, où l’argent n’a cessé de circuler et où les gens accumulent leur fortune sans savoir ce qu’ils vont en faire…. »
Ça résume vraiment l’époque dans laquelle nous vivons non, tu ne trouves pas André ?

1% de la population qui détient plus de 50% des richesses mondiales.

Ça me choque. A l’image de ces gens de Monsenti qui veulent faire de ce que la nature a créé pour nous une marchandise.
Tu te rends compte, 5 multinationales, géants de la chimie contrôlent la moitié du marché mondial des graines, tout ça pour pouvoir vendre leurs produits chimiques, engrais et autres pesticides. Ils ont compris que contrôler l’ensemble du marché était bien plus juteux. Les OGM, c’est aussi pour ça que ça existe. Pour pouvoir déposer des brevets sur des semences et privatiser ce qui revient de droit à l’humanité ! Sous couvert de vouloir régler les problèmes de nourriture dans le monde en vendant des graines de plantes modifiées qui résistent à tout, elles veulent carrément contrôler le marché des graines et de la nourriture en général.
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Tu te rends compte qu’aux Etats-Unis, Monsenti fait des procès à des agriculteurs bio, les accusant de tromperie, parce qu’il y a des traces de pesticides dans leurs fruits et légumes. Des pesticides qui proviennent de terrains voisins et qui voyagent par le biais des nappes phréatiques. Les dits terrains voisins où des agriculteurs peu scrupuleux déversent les fameux produits Monsenti à tour de bras. Le comble ! Tout ça pour détruire la crédibilité du bio et mettre à terre les résistants qui ne veulent pas se plier aux volontés de ces géants… Surtout que le coût de la dépollution de l’eau contaminée par la chimie agricole est énorme. On dépense des milliers d’euros par hectare pour nettoyer l’eau qui provient des sols de la production agricole en France ! En réalité, cela coûte plus cher de produire de façon chimique sauf que c’est l’état, et donc nous les contribuables qui payons. Le bio revient moins cher à la collectivité que le soit-disant conventionnel. La seule raison pour laquelle le bio est plus cher en magasin, c’est que les conséquences et les coûts supplémentaires que la production chimique impliquent, dont la dépollution de l’eau, sont pris en charge par les impôts et la redevance de l’eau. Ceux qui mangent bio payent en fait deux fois !
Il est inacceptable que des entreprises privées aient la main mise sur le garde manger du monde. Ils ne peuvent pas prendre possession de l’agriculture.

Si ils pensent qu’ils peuvent breveter la vie et en faire un simple produit marchand…

On ne va pas se laisser faire ! T’imagines qu’au parlement européen, ils sont en train de parler d’une loi qui permettrait de généraliser la privatisation des semences. Les lobbyistes sont au boulot d’arrache-pied ! On peut pas rester comme ça. Tu réalises ?!?
Tu connais toi un secteur économique qui est dominé au niveau mondial par une dizaine d’acteurs ? Toi le comptable, tu va me dire, mais oui, évidemment le secteur banquaire ! Des banques qui dictent leur conduite aux états, qui fixent l’agenda mondial. Mais figure toi que dans l’agro-alimentaire, c’est la même chose !
Nos dirigeants, les présidents, ceux pour qui nous votons soit-disant démocratiquement, ne peuvent plus rien pour nous. Tout cela n’est plus entre leurs mains. Il y a tellement d’argent en jeu ! Tu conçois que nourrir 7 milliards de gens et donc quelque part rendre esclave la planète entière, c’est carrément un pouvoir divin ! C’est du délire ! Pourtant c’est ce qui est en train d’arriver.’
Brianna était à bout de souffle.
André lui aussi était scotché. Toutefois, elle avait raison sur toute la ligne. Et cette fois, elle n’avait rien bu d’alcoolisé. André saisit le livre des mains de Bri pour mieux absorber le passage qu’elle lui avait lu quelques minutes avant sa tirade. Il tomba sur une citation qu’elle n’avait pas pris le temps de souligner et qui fit sourire André :

«L’avarice perd tout en voulant tout gagner. Jean de La Fontaine.»

Il y avait donc une justice. En tout cas, c’est ce qu’André aimait croire. Lui qui avait été nourri à Star Wars était persuadé que les gentils gagnaient toujours. Quand il lu à son tour la citation à Bri, elle lui répondit du tac au tac ‘J’espère que tu as raison mon André. J’espère que tu as raison’.
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