Pour la sortie internationale du film STAR en VOD, l’occasion est trop bonne de ressortir l’interview de Marc Aurèle Vecchione, le réalisateur. Initialement parue dans le numéro 1 de notre magazine WANKR, ce dernier revient sur cette aventure, son parcours et la place du graffiti dans le cinéma en général.
Peux tu te présenter?
Alors, je m’appelle Marc Aurèle Vecchione aka Orel, réalisateur de films documentaires et je viens de réaliser mon premier long-métrage.
Tu viens de réaliser un long métrage intitulé STAR gravitant dans le milieu du graffiti. Quel est le pitch?
C’est l’histoire d’un jeune graffiti artist qui est sur le modèle de pas mal de mecs que l’on a pu connaitre. Il est très présent dans sa ville. Il sucite un certain intérêt de la part de ses compères issus du graffiti et du monde de l’art qui par sa présence commence à trouver son travail interessant. Une période charnière comme de nombreux pratiquants atteignant une certaine notoriété intéressent aussi les services de police qui cherchent à endiguer le phénomène. Suite à une arrestation un peu musclée, il va être stoppé net dans sa carrière et perdre la possibilité d’écrire ce qu’il y a de plus important pour lui : son nom et de devoir s’interroger sur son geste. Il va être accompagné par des «grands frères» ayant vécu les mêmes histoires ayant eux un pied dans le monde de l’art et l’emmener à réfléchir sur son travail et à se réinterpréter pour pouvoir continuer.
Comment t’es venue l’idée de réaliser ce projet?
L’idée est venue par rapport à une ligne de conduite que j’avais un peu qui est la suivante : quand j’ai commencé à m’intéresser au film, j’avais un pote qui voulais devenir écrivain, qui en passant dans une librairie où l’écrivain James Elroy faisait une séance de dédicaces. Il va le voir et lui explique son parcours de jeune écrivain avant de lui demander quelques conseils pour bien démarrer. Ce à quoi il lui a répondu : «It’s very easy, write what you know.» Voilà. Ca a l’air d’être une phrase toute bête, mais en vrai, c’est une bonne ligne de conduite quand tu commences quelque chose, c’est à dire parler de ce que tu connais et qui te touche. Quand il m’en a parlé, j’ai trouvé ça tellement juste, que cette phrase je m’en suis fait une ligne de conduite à plein de moment dans ma vie à des moments où je voulais démarrer quelque chose et je me suis dit : «Va pas chercher les grands effets, restons simple. Essayons de parler de choses qui nous touchent. Au moins on est honnêtes dans ce que l’on raconte.» Cette ligne je l’ai gardée dans beaucoup de mes projets. Quand j’ai commencé à faire des films j’ai tout de suite eu envie de faire de la fiction, sauf que je me suis heurté à pas mal de choses, c’est qu’à l’époque où j’ai commencé, c’était la fin des années 90. Les méthodes de tournages n’étaient pas ce qu’elles sont devenues en quelques années, à savoir l’arrivée de la DV, le logiciel de montage Final cut et compagnie. Et que quand je me suis intéressé au cinéma, j’avais récupéré des cartes Miro DC30 qui permettaient de faire de l’acquisition via des magnétoscopes. Il n’y avait que le logiciel Premiere qui tournait avec. J’ai commencé comme ça et j’ai essayé de faire de la fiction. J’ai fait trois courts-métrages que j’ai jamais trop montré parce que pas satisfait de mon travail, mais j’avais parlé de choses que je connaissais et j’avais commencé à écrire sur un projet de long métrage qui parlait du graffiti.
Je me suis dit qu’il valait mieux que ce soit quelqu’un comme moi qui s’y colle.
Et donc…
Je ne me sentais pas du tout prêt à le faire. Pour mille raisons… Manque confiance en moi, pertinence du discours, capacité à tourner ce que je voulais etc. C’est ce qui m’a décidé à faire le documentaire Writers
(documentaire sur l’historique du graffiti parisien). Plutôt que de faire une fiction ratée, je me suis dit que j’ai pas mal de photos, je connais des gens qui ont des archives interessantes. J’avais une place interessant dans le graffiti car j’avais toutes les connections avec les pionniers CTK, BBC qui me connaissaient suffisamment pour se confier à moi et j’étais en rapport avec toute ma génération où je considère avoir été dans les 10, 20 actifs dans le truc, donc j’avais des rapports assez cool avec mes confrères. Et en ayant pas laché le truc, j’avais également des liens avec les nouveaux qui arrivaient dont j’appréciais le travail. Du coup, je me suis dit qu’il valait mieux que ce soit quelqu’un comme moi issu de la scène parisienne qui s’y colle plutôt que des personnes un peu fake ou de la télévision. Je me suis dis le documentaire est une forme de film hyper interessante qui permet de raconter des histoires vraies. Un processus narrative où j’allais apprendre à mener un projet un peu long. Tout ça pour te dire que STAR, qui ne s’appelait pas comme ça au début, était un projet que j’avais en tête depuis presque 15 ans.
Quel a été le déclic?
Le déclic ça a été l’horloge biologique (rires). C’est à dire qu’à un moment je me suis dit que fort des docus que j’avais fait, je commençais à être à peu près sûr qu’il y avait une manière cool de procéder, c’était d’emprunter beaucoup au documentaire et d’essayer de l’injecter dans une fiction. Je me suis dis que pour tourner toutes ces scènes «vraies», il ne fallait pas que je laisse trop filer le temps parce que, ça va avoir l’air con ce que je vais dire mais je ne penserai pas forcément la même chose dans 10 ans, mais j’avais pris un coup vieux physique (rires). Je me disais que de faire des cabrioles en entrepôts avec une équipe de frapadingues à gérer, pas sûr que quelques années plus tard je puisse encore le faire. A deux niveaux : moi physiquement et la pertinence de mon regard par rapport aux générations que j’allais chercher. Au risque d’être déconnecté dans mes choix. En clair l’envie de le faire pendant que j’avais encore le «juice», parce qu’un film en indé comme on l’a fait, ça demande de l’énergie. Les deux premières fois que j’ai commencé le doc, c’était sur Writers et Antifa, entièrement à mes frais. T’as une famille, tu sais comment c’est… Un projet comme ça c’est tout le monde qui ramasse autour de toi, donc faut l’assumer le bordel. J’arrive à un age où les enfants ont grandi, je voulais plus leur faire subir ça, du genre, je suis pas là, je ramène 15 gueules à la maisons à 2 heures du mat’ avec les ambiances que ça peut générer.
Au niveau de l’équipe du film, qui est impliqué?
De la prod à l’équipe de tournage, l’équipe de post prod et évidemment jusqu’aux comédiens. Quand est arrivé le moment de faire le casting, je ne vais pas te mentir, le film avait été écrit pour TRAN (graffeur français) au départ. Je voulais absolument faire le film avec lui, je l’ai harcelé pour ça, mais il n’était pas prêt et au final, c’était peut être pas la bonne personne. Il est génial dans la vie de tous les jours, comme certains potes qui sont mortels au quotidien mais t’allumes la caméra et c’est zéro pointé. Ca m’est arrivé plusieurs fois. Du coup, comme les essais n’étaient pas concluant, je me suis lancé dans un casting. Un jour un pote m’a orienté vers deux jeunes qui lui paraissaient pas mal. Ce qui nous a amener à porter notre choix sur Finley (qui interprète le rôle titre NDLR). Il avait cette capacité lorsque tu allume la caméra à rester le même. Ca ne lui met pas du tout la pression. Il était impressionnant pour ça. Il a un beau visage, un regard fort, un truc. Même s’il a eu une expérience en télévision équivalente à zéro (une figuration en théatre et en série télé), c’était pas son métier, quoi. C’était important pour moi, c’est que d’un point de vue corporel, les mecs que je filme aient les mouvs’ du graffiti.
C’est quoi les mouvs’ du graffiti pour toi?
Ben tu peux prendre des comédiens qui jouent très bien, il y en a plein de sa génération, mais quand il va lever son bras pour faire un tag, ou marcher dans la rue après en avoir fait un, il y a une mesure que nous on sait reconnaitre. Tu vois ce que je veux dire ou quoi? (rires)
Cramés!
Certains en font beaucoup trop en jeu, d’autres pas assez. Cette espèce de justesse sur un sujet qui nous tient à cœur que j’avais déjà vu dans d’autres films comme Bomb the system, Quality of life, Moebius 17 par les mecs de Berlin, après Whole train… il y en a eu des films sur le graffiti, dont certains avec des séquences très belles et très réussies, mais ou moi dans l’ensemble je ne m’y retrouvais pas. Pour un simple raison : c’est que la plupart du temps, le film chute sur la mort du héros! Ce qui est complètement dingue. On a eu des morts dans le graffiti, mais généralement ce sont des morts causées par des activités ou des causes en dehors du graff. Tu peux te faire casser la gueule ou prendre tes bombes mais en général, tu t’en sors quand même (rires). Bref, j’aimais pas ces trucs trop drama. Le graffiti c’est un truc dur, où tu ramasses un max, mais tu finis quand même avec cette force qui sublime tout. Même si tu fais du mal, au fond de toi tu sais que ce que tu fais est bien.
Hmmm… C’est une question de point de vue, ça! Un point de vue de graffeur.
(rires) Tu vois ce que je veux dire? Il n’empêche pour moi le graffiti, ça a plus sauvé des gens que ça les a enfoncés.
Oui tu as sans doute raison et puis ça a apporté des opportunités à pas mal de gens?
Ca a calmé pas mal de cailleras, ça les a ouvert à pas mal d’autres trucs. ça a entre guillemets «tuffisé» des bourgeois. En général, tu repars avec un bagage plus rempli qu’à ton départ. Ceux qui disent : «ouais, le graffiti a détruit ta vie…» Non, c’est les bédos et la coke qui ont détruit ta vie mais pas le graffiti. C’est le lifestyle qui gravite autour qui détruit ta vie, pas le graffiti! C’est pas la même chose. Le graff est un truc dur, mais ça t’apprend à appréhender ton territoire, à aller vers les autres. Bref, je pense que c’est quelque chose de bénéfique. Malgré les moments difficiles qui peuvent être traversés. De toute façon c’est dans l’adversité et les difficultés qu’on se forge. Un coté que certains arts martiaux peuvent avoir…
Mais pour en revenir au casting…
Ben le but était d’avoir des personnages qui soient vrais. Et par extension, je me permettrais un critique cinématographique, c’est que je trouve que souvent : tous les films qui essaient de parler de la jeunesse, ça peut être d’autres sujets que le graffiti et où même si les acteurs sont bons, je les vois jouer. Je me dis que c’est pas eux-même quoi. Je pense que des vrais rôles de composition, plus durs, laissent un espace de travail plus intéressant au comédien et nous en tant que spectateurs, on a plus de facilité à suivre le personnage et à rentrer dedans, parce que ce sont des situations qui sont vraiment extraordinaires. Des situations où peu de gens dans les salles ou derrière leur écran ont vraiment vécues. Faire la fête, être fonce-dé, faire des tags, il y a quand même beaucoup de gens qui ont vécu ça, quoi. Être faut là dessus, ça te sort du film quand même assez vite.
C’est vrai.
Souvent je vois des sujets sur des jeunes, il y a plein de trucs que je trouve forts. Je respecte toujours les gens qui réussissent à travailler car c’est dûr de monter un film, mais des fois ça le fait pas. Des bons exemples de films sur la jeunesse que je trouve réussis, il y a Outsiders de Coppola, Rumble fish… Même s’il s’agit d’acteurs qui sont devenus des stars hollywoodienne par la suite, il les prend dans une espèce de «jus de rue» qui est vrai au moment où ils jouent les petits voyous. Tu prends Les nuits fauves de Cyril Collard, il est parti chercher des vrais Ducky Boys (chasseurs de skins), des mecs de la rue. Par moments le jeux n’est pas au top mais en tout cas c’est pas fake. Tu prends Larry Clarke quand il fait Kids et qu’il attrape la bande de skaters de Washington Square, putain, c’est vrai de ouf! T’es avec eux, tu vois ce que je veux dire ou quoi? Il y a plein d’exemples comme ça où ça a marché. En tant que spectateur, ça m’a laissé des souvenirs hyper agréables. Et c’est ce que j’ai essayé d’atteindre avec Star.
J’ai vu pas mal de photos passer sur fb et insta qui dévoilent l’ambiance du tournage. Des anecdotes?
(rires) Effectivement… Comme je disais précédemment, il faut être jeune pour emmener ce type d’équipe à l’aventure et les convaincre qu’ils vont être bons à la comédie. Dans l’ensemble j’ai deux trois anecdotes rigolotes. Le parti pris que j’ai eu au départ… Je vais répondre à ta question mais je vais faire une publicité qui peut être intéressante c’est que mon mouv au départ c’est que mes quatre rôles principaux c’est pas des acteurs. Ils sont bien devant la caméra, ils sont hyper naturels. Mais faut les motiver. Ils rigolent, sont pas très sérieux, la pression de la préparation ils ne connaissent pas. Ils arrivent à 10 heures, ils ne se doutent pas que tu es là depuis 7h du mat’ pour préparer le truc. Ils étaient dans leurs délires quoi. C’est normal. Mon mouv que j’ai vraiment pas regretté a été de prendre l’équipe, pour la souder, la sortir de son contexte.
Et donc…
Dans le film il y a un passage qui se passe en Italie, j’ai décidé de commencer le tournage en débutant sur l’étranger. Ca ne suit pas la chronologie du film, d’ailleurs respecte très rarement la chronologie, mais des fois c’est bien de commencer par le début pour bien mettre les choses en place. Je me suis dit, je les emmène tous comme une équipe. On ne sera pas sur notre territoire, on sera obligés de faire groupe, de faire corps.
C’est bien vu!
Ca a été un bon calcul, ça a marché. Michael (Killer Kane) qui arrivait de New York, il me connaissait un peu tout comme Ulysse (Chaze) qui m’a aidé à la production du film aussi, mais on était pas des frères. On l’ai devenus à la suite du film. Et puis ça faisait plus de 20 piges qu’on c’était pas vus. Il débarque de New York, dès le lendemain on l’emmène à Rome… Wow wow! Ca allait un peu vite. En plus il fait partie des gens en place et établis à New York. Il a accepté les conditions de tournage et de dormage à la roots. Pareil pour les autres (Weker et Sari one) qui étaient sensés être les «grands frères» du héros, ne se connaissaient pas. C’est venu assez vite. Tu prends l’avion, tu débarques, tout le monde dort à peu près dans la même piaule, ça crée vite des liens. Ca a été un truc vraiment constitutif. Les premières choses marrantes, ça a été à Rome. Lors d’un repérage l’année précédente avec mon ami producteur Olivier, j’avais eu la chance de rencontrer les T.H.E., les kings du métro romain, Poison et Runa. Ils avaient apprécié le projet et voulaient jouer le jeu avec grand plaisir. Donc avec Poison on par ouvrir un entrepôt pour une scène que l’on devait tourner la nuit. On prend l’aprem’ à bloquer les portes du dépôt. Rome a été très facile à peindre pendant longtemps, mais maintenant c’est fini. Du coup on revient le soir même, les graffeurs locaux, en mode protectionnistes ont vérrouillé l’accès. On arrive, la sécu est là, les portes sont fermées, la première journée de tournage commence pas très bien. On essait en vain d’ouvrir, mais comme les mecs de la sécu étaient là, on décide de s’éloigner un peu et revenir plus tard. A un arrêt d’autobus, on voit 3 lascars passer avec des têtes de loustics, ils repassent 5 minutes plus tard avec un pas super rapide. L’un d’eux porte une caisse noir dans ses bras. Je dis à Michael : «these guys are robbers», c’est des voleurs, ça se voit! J’ai pas terminé ma phrase que surgissent 10 voitures de police et bouclent tout le quartier. Les mecs venaient de faire une attaque à main armé dans un resto juste derrière nous! On se retrouve avec toutes nos bombes au milieux des keufs, on a pu se tirer, mais pas mal. Voilà ça c’était une anecdote, y’en a un pas mal d’autres.
Il y en a eu des films sur le graffiti, dont certains avec des séquences très belles et très réussies, mais ou moi dans l’ensemble je ne m’y retrouvais pas.
En voyant le film, je me suis dit est ce que ce thème serait viable en format série?
Ah ben écoute, c’est génial que tu me poses cette question! Quand on est revenus de Rome, on s’est tellement pris un kiff et les romains étaient tellement saoulés de nous laisser partir. Et nous on avait passé 11 jours de folie total, on s’est dit : «faut faire une série!», que le héros devienne un artiste urbain reconnu et qu’il parte faire un tour du monde, quoi. Un épisode, il est à New York, après au Brésil, en Afrique, au Moyen-orient puis en Asie… Let’s go worldwide! Bref, on en a pas mal parlé. Je serai super chaud de le faire! (rires)
Y a t’il une sortie en salle de prévue?
Pas de sortie en salle. Au début, on était suivi par Studio Orange qui était super intéressé par le projet, qui eux sont vraiment dédié à la salle, ils ont une plateforme VOD qui diffuse de tout, pas essentiellement ce qu’ils sorte en salle, quoi. Les études de marché montraient qu’il y a une vraie difficulté à emmener les moins de 40 ans en salle. Le moins de 40 ans, on le divise en catégories sociales, on se rend compte que le spectateur du genre de film que l’on fait, un film urbain mais en même temps un film d’auteur, est hyper dur à amener au cinéma. Il a l’argent dans la poche, il y va 1 fois par mois et quand il va voir STAR, il arrive devant le ciné et il y a X Men, ben il va voir X-Men…
Merde…
C’est la réalité. Le film je l’ai fait en indé, en démarrant sans budget, sans argent, j’ai mis les 3 kopeks que j’avais de coté et que mes potes Olivier, Serge et 2,3 autres ont bien voulu mettre généreusement. Pour payer les trucs incompressibles qu’on avait à payer. Toute l’équipe est en participation sur le film. Donc le sortir en salle, il faut savoir que de 30 à 50 copies en France, ça te coute au bas mot 150 000 euros. C’était un coup à m’endetter encore plus en étant à peu près sûr de pas faire d’entrées juste pour prendre un peu de prestige. En vrai, le temps m’a appris, moi qui ai fait pas mal de trucs en indé, qu’il fallait savoir s’adapter. Même si c’est “beau gosse” de sortir au cinéma, si le public que tu touches tu peux l’attraper ailleurs, c’est pas grave, attrapons le ailleurs! Aujourd’hui il y a la VOD, et la VOD me permet aujourd’hui un truc que j’aurai jamais pu me payer en salle : une sortie internationale! Je pense que le graffiti, c’est une culture internationale, qui touche plein de pays, j’ai voulu que le film, c’est pour cela qu’il y a un américain, rende un peu hommage à New York, qui est un peu notre Mecque à nous pour le graffiti. Je voulais aussi qu’à un moment, la langue switche en anglais.
Pour apporter un coté international au projet, quoi…
Exactement! D’où aussi le déplacement en Italie. J’aurais pu choisir l’Espagne ou l’Allemagne, Italie, pour une raison très simple : l’Italie est le berceau de la Renaissance et des Arts Plastiques, et que pour moi, le graffiti a mis du temps à être accepté dans le monde de l’art conventionnel. Pour moi il n’y a pas de différence en fait. Quand tu vois un tag super beau, tu sais que le mec a une main de ouf. Les gens vont voir ça sur un mur, il ne vont même pas regarder le truc. Si c’était moi, j’effacerait 50% des tags que je ne trouve pas beaux, mais des tags beaux je les laisserais intacts. Quand je me balade et que je vois un vieux Meo ou un vieux Boxer (ndlr : légendes du graff old school), je me dis, putain mettez une plaque en verre par dessus! C’est pour ça que dans le film il y a beaucoup de tags, des trucs assez bruts du graffiti. J’ai pas voulu que le héros soit un super styler de malade. Pour moi le style il existe dans la brutalité. Tout ça pour en revenir à l’Italie, quand tu lis les peu d’écrits qui existent sur les artistes de la Renaissance, tu te rends compte que c’étaient des loulous de dingue les mecs. C’étaient pas des mecs sous cloches, ils vivaient, ils baisaient, ils se frittaient… C’était des bons vivants les mecs. Et en général quand t’es artiste, t’es comme ça!
Il y a une vision du graffeur qui est dégradante par rapport à ce que c’est vraiment. Voilà pourquoi ça m’interessait d’aller en Italie, ça me permettait de créer cette parallèle. De confronter le graffiti à Michel Ange. Cette idée m’a été 26 fois confortée par l’intérêt que j’ai pu avoir pour la culture et quand j’ai découvert Norman Mailer The Faith of Graffiti, qui dit exactement ça. un critique d’art hyper reconnu qui a été capable à un moment donné de considérer le graffiti et le tag. Si des mecs comme ça ont pigé le truc assez tôt, ça veut dire quelque chose!
On va revenir à ton historique. Comment es tu venu au graffiti?
J’y suis venu par les pochoirs. Je trainais à Montparnasse quand j’étais petit. Je faisais du roller. Le hip hop naissait en France. Je parle de 86, 87. Le hip hop était déjà là notamment dans le nord de Paris où certains mecs commençaient à mettre les bases en place. Nous on était des petits frères, des new school par rapport à eux. Moi j’ai toujours aimé le Rock n Roll. Pour moi c’est avant tout une musique de noirs. J’ai pas découvert le Rock n Roll par Elvis Presley. Quand je faisais du roller, je trainais avec des bandes de chasseurs, des chasseurs de skins. J’ai longtemps été la mascotte des Yankees. Je ne me bagarrais pas, je suivais juste. En fait ces mecs qui étaient plus ou moins affiliés au Rock n Roll écoutaient tous du rap en fait. Y’avait pas trop de frontière entre les 2. Il devait y avoir 2, 3 concerts de Rap par ans à tout casser. 1 ou 2 soirées Zulu grand max, le reste pour chercher des skins, c’était des concerts de rock ou de punk. Tout ça c’était quand même bien mélangé. J’ai grandi dans ce truc hybride. J’ai jamais mis de frontières. Moi j’avais un bombers, un jean et des Nike. J’était pas trop un mec en Doc Marten’s.
Tu as réalisé pas mal de documentaires comme Writers, Antifa, Photos rebelles etc. Lequel t’as rendu le plus fier?
Je pense que ce sont les premiers, Writers et Antifa. Writers ça a été une sortie un peu difficile parce que le milieu du graffiti, je m’y étais préparé en vrai. J’ai pas eu beaucoup de détracteurs en vrai. En fait, j’étais pas habitué à faire des trucs publiques. C’est la première fois que je me suis pris des assauts. En te disant la vérité, j’en ai pris beaucoup plus que sur Antifa. Des trucs tendus. Sur Writers, j’ai donné énormément, j’étais hyper content et je pensais ne pas m’être trop trompé. Et c’est la première fois que j’ai découvert la critique. J’ai géré le truc. Une ou deux erreurs géographiques. Donc j’ai peut être omis 1 ou 2 grosses têtes banlieue Nord Ouest qui méritaient d’avoir leur chapitre dans le film. Après, je pense à un mec comme Darco, qui pourtant j’ai interviewé, sauf que j’ai fait 80 heures d’interviews et il y a 40 gars dedans quoi.
[…] Marc Aurèle Vecchione – cinéma d’auteur underground […]